Toyoda à Toyota : une saga incroyable
Un inventeur d’abord
L'histoire de Toyota débute à la fin du XIXe siècle, quand Sakichi Toyoda invente le premier métier à tisser mécanique du Japon.
Né en 1867, ce japonais pur sucre est issu d’une famille très modeste, son père est fermier mais surtout un charpentier fort demandé. La scolarité du jeune Sakichi sera courte et il sera vite l’adjoint de son père tout en lisant beaucoup jusqu’à devenir un autodidacte éclairé.
C’est un créatif quasi maladif : il est sûr que ses gènes vont accompagner la formidable ascension de ce qui va devenir la société TOYOTA.
Il a aussi le sens des affaires car dès 1891, à 24 ans, il dépose son premier brevet pour un métier à tisser manuel avant d’inventer et breveter 7 ans plus tard le premier métier à tisser motorisé.
En 1910, il part visiter les États-Unis. Il en revient persuadé de l'avenir des machines et accélère son processus d'industrialisation.
La première guerre mondiale ou le japon se met du côté de nos alliés fait tourner ses métiers à plein régime… et les affaires de la famille Toyoda.
Sacré plus tard « roi des inventeurs japonais », Sakichi créée le métier à tisser automatique Toyoda en 1924 et 2 ans plus tard, il fonde l'usine Toyoda Automatic Loom Works.
Ce métier à tisser révolutionnaire s’inspirait du principe du Jidoka (automatisation autonome) permettant aux machines de s'arrêter automatiquement lorsqu'un problème survenait, ce principe restant au cœur du système de production Toyota. C’est aussi lui qui a introduit des 5 Pourquoi, une approche de résolution de problèmes toujours utilisée en particulier dans l’approche Lean.
La baisse de la demande en soie brute au japon comme à l’étranger inquiète le vénérable et incite son fils Keiichiro, l’ingénieur, son gendre Risaburo l’administrateur, ainsi qu’au cousin Eiji, à chercher des alternatives industrielles à l'entreprise familiale encore florissante.
Peu de temps avant sa mort, Sakichi, le visionnaire, les encourage à suivre leurs ambitions en pariant sur l'industrie automobile
Le patriarche décède en 1930 à l’âge de 63 ans, possesseur des plus hautes distinctions nipponnes comme l’ordre du trésor sacré, non sans avoir confortablement vendu son dernier brevet à une entreprise britannique Platt Brothers qui utilisera cette licence pour s’implanter en occident.
De père en fils
Son fils Kiichiro est aussi un homme féru d’innovation et va suivre les traces de son père. En visite régulière en Europe et aux États-Unis depuis les années 1920, il s'intéresse de près à la toute jeune industrie automobile.
Avec les 100 000 livres Sterling obtenues par la vente du brevet, Kiichiro fonde en 1937 la Toyota Motor Corporation (TMC).
Mais le nom Toyoda sonne mal, et Kiichiro organise alors un vote dans son pays auquel participent près de 30.000 compatriotes.
Ainsi, le le "d" devient "t", « …parce qu'en japonais il faut huit caractères pour écrire Toyota et que ce nombre apporte chance et prospérité…" dira sérieusement le digne fils de son père
Innovateur au plan technique, obsédé par la fiabilité de ses produits, il l’est aussi en termes de management de production.
Dès le début, il met en place le principe Juste-à-temps (« Just in time », JIT) après avoir observé le réapprovisionnement des supermarchés américains.
Cette philosophie consistant à ne produire que la quantité suffisante à partir de commandes existantes avec le minimum de pertes sera la base du TPS (Toyota Production System) est le facteur clé du développement de cette société emblématique du groupe.
À partir des années 1940, il collabore avec son cousin et confident, Eiji TOYODA, pour systématiser le JIT et rattraper le retard sur les États-Unis.
Des hauts et des bas
Fort réputés à cette époque pour copier les concurrents, Kiichiro Toyoda ne va pas faillir à la tradition. Son moteur sera d'abord une "copie chinoise" par un V8 Ford puis remplacé par un six-cylindres en ligne inspiré de ceux de Chevrolet. Le design de la carrosserie est proche de la Chrysler Airflow, à quelques variantes près.
Le génial inventeur peine cependant à mettre au point "sa" première voiture, la A1 qui ne sort qu’en trois exemplaires en 1935 malgré une bénédiction bouddhiste (ou shintoïste ?) en bonne et due forme.
Ce n'est qu'en 1936 que leur première voiture de série est fabriquée, la AA, visant déjà le marché américain, sans grand succès puisque la production ne dépassera guère les 2000 unités.
La seconde guerre mondiale va venir ruiner les ambitions du clan Toyoda. Toutes les versions AA seront détruites si bien qu’il fallut refaire les plans à l’occasion de l’’anniversaire de la marque.
Un seul exemplaire sera retrouvé dans une grange au fond de la Mandchourie et exposé désormais au musée de LA HAYE
Le japon battu et en ruines, les temps sont durs pour TOYOTA, le marché intérieur étant naturellement exsangue, ce qui conduira le fondateur de l’entreprise à démissionner en 1948 à la suite de mauvaises ventes répétées. Il meurt quatre ans plus tard en 1952, il n’avait que 57 ans.
La production redémarre avec le modèle SA, copie de la Coccinelle allemande (photo).
La société est mise en règlement judiciaire en 1950, sauvée par le gouvernement japonais et surtout américain qui confie à TOYOTA la fabrication de 5000 véhicules sous licence, une production opportune à quelques encablures de la Corée en guerre.
C’est la fin des vaches maigres pour le futur géant de l’automobile mondiale.
La consécration
Son nouveau patron, Taizo Ishida, met en place une politique de développement industriel très ambitieuse.
Non loin de NAGOYA, Le site de KOROMO est agrandi à tel point que la ville va changer son nom pour s'appeler TOYOTA (city) avant de se jumeler avec DETROIT, capitale américaine de l’automobile.
Mais, c’est son successeur en 1967, à nouveau un Toyoda, Eiji Toyoda-déjà cité- qui donnera le coup de fouet définitif.
Décidément, c’est de famille, c’est après un voyage d'études aux États-Unis en 1950 où il s’imprègne des méthodes de production de FORD qu’il élabore un nouveau système de production.
Le « système de production de Toyota » (TPS), aussi appelé toyotisme, permet d'assurer une production à flux tendu (Kanban) et ainsi de réduire les gaspillages et d'améliorer la qualité de la production (Kaizen).
Ainsi, dans la décennie des années 60, Toyota va s’imposer comme un leader en matière d’innovation manufacturière (le 4x4 LAND CRUISER, la voiture hybride PRIUS commercialisée en 1997) produisant des véhicules d’une fiabilité et d’une qualité sans précédent.
Je laisse le lecteur intéressé reprendre en main la suite de la saga TOYOTA plus connue pour tenter d’analyser les clés de la réussite de cette entreprise.
TOYOTA est le meilleur exemple de l’élevé qui a dépassé le maitre ; on sait combien les USA ont investi pour redresser l’économie japonaise en y impliquant ses experts du management de la qualité JURAN ou DEMING (chevalier de l’ordre du Trésor sacré aussi). Une grande partie des dirigeants nippons auront appris la leçon en l’adaptant vertueusement à leur culture.
Le petit plus qui va propulser TOYOTA sur le devant de la scène est à mon sens sa culture de l’innovation qui n’est pas naturellement dans les gènes japonais ancrés dans une relation patriarcale rigide que j’ai souvent constatée.
Le meilleur symbole en est leur plan stratégique : Zéro emission en 2025, un nouveau challenge à la pointe de l’innovation.
Daniel DIGUET
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