Le Bouclier de Silicium de Taïwan
22-07-2023
Un petit d'histoire
Né en 1931 en Chine continentale, Morris CHANG se réfugie pendant la guerre civile à Hong Kong avant d’émigrer aux Etats-Unis où il fait ses études d’ingénieur au prestigieux Massachusetts Institute of Technology puis un doctorat en électronique à l’université de Stanford.
Il passe l’essentiel de sa carrière - 25 ans - chez TEXAS INSTRUMENTS, l’un des fleurons américains des semiconducteurs. En 1985, il est appelé par le gouvernement taïwanais à rentrer dans l’ile pour y bâtir l'industrie microélectronique de TAIWAN.
Pendant qu’il dirige l’Industrial Technology Research Institute (ITRI), il pressent très tôt l’émergence d’un besoin grandissant de services de fonderie, un filon créé par la tendance à l’externalisation d’une partie de la production par les industriels des semiconducteurs et par la pullulation d’acteurs "fabless" qui se développent à grande allure sans posséder aucune usine. Il anticipe cette opportunité en fondant en 1987 Taiwan Semiconductor Manufacturing Co (TSMC) avec le soutien financier de PHILIPS et TEXAS INSTRUMENTS.
Une domination insolente
Dès le départ, Morris CHANG fait de l’excellence technologique son obsession avec pour modèle INTEL.
Pour tenir la course technologique avec INTEL et SAMSUNG, il a fait de son groupe l’un des trois plus gros investisseurs de l’industrie des semiconducteurs, continuant à investir même en période de crise cyclique typique de cette industrie.
En 2021, TSMC compte 50.000 employés et 16 unités de production (FAB) essentiellement situés à TAIWAN.
TSMC domine le marché de la prestation de fonderie depuis plusieurs dizaines d'années avec plus de 50 % de parts de marché en 2017 (90% pour les puces les plus complexes), suivi par GlobalFoundries avec 10 % de parts de marchés, puis UMC, autre fonderie taïwanaise, avec 8 % de parts de marché, talonnée par SAMSUNG.
Aujourd’hui, le problème est le coût d’investissement qui a explosé avec la complexité des technologies dont le trait de gravure atteint désormais 5 nm. Une unité de fabrication pèse alors 10 Mds $ et TSMC devrait d’ailleurs investir 100 milliards de $ dans les 3 prochaines années grâce à ses confortables produits.
Le bras de fer entre les Etats-Unis et la Chine
La chine importe 370 milliards $ de puces par an, plus que le pétrole. Cette dépendance est aggravée par la politique agressive américaine du Président TRUMP.
Les Etats-Unis ont interdit en effet la vente de puces à HUAWEI qui a été éjecté du marché des smartphones de dernière génération. Pour pouvoir continuer à fabriquer ses appareils, l’entreprise chinoise a constitué de vastes stocks de semi-conducteurs amplifiant la pénurie. La plupart des grandes puissances ont pris conscience avec la pénurie actuelle de ce point faible que constitue le besoin en puces. Les plans se multiplient aux quatre coins du monde pour pallier ce problème.
L’administration BIDEN a mis au point un plan d’infrastructure de 50 milliards de dollars pour retrouver une capacité de fabrication de puces.
C’est également le cas de l’Union européenne, l’ALLEMAGNE et la FRANCE poussant l’UE à ce que l’EUROPE produise 20% des puces de nouvelle génération d’ici 2030. La société franco-italienne ST Microelectronics a annoncé récemment investir 1 Mds$ sur son site français de CROLLES.
En dépit de son retard, l’Europe possède sa pépite, en l’occurrence la société ASML, issue de PHILIPS, la seule au monde à concevoir des machines à graver les puces de 5Nm. En réalité tout le monde se tient « par la barbichette », les américains possédant 50% du marché électronique chinois et 40% des exportations de Taïwan allant en Chine.
La Chine se réveille
La Chine a lancé un plan, objectif pour produire 70% de ses puces dès 2025, avec en filigrane l'ambition chinoise d'être progressivement moins dépendant à la production étrangère de puces.
Le fabricant chinois SMIC (Semiconductor Manufacturing International) va investir pas moins de 12 milliards de dollars pour la construction d'une nouvelle usine -baptisée SN1- dans le district de Pudong (près de Shanghai).
Cette dernière pourrait donner l'occasion à la firme de progresser en termes de finesse de gravure pour passer sous la barre des 14 nm. Un seuil que le fabricant (seul fondeur chinois capable de proposer des procédés aussi avancés), devra de toute façon passer pour proposer aux acteurs locaux des alternatives viables aux puces gravées par son concurrent taïwanais TSMC.
En plus du site de production construit par SMIC, 166 autres projets ont été avalisés. Sept d'entre eux sont liés au marché du semi-conducteur.
Reste que le chemin vers l'indépendance technologique chinoise risque d'être long et semé d'embûches. Pour proposer des procédés de gravures plus avancés (et notamment passer sur le Node 7 nm), SMIC devra trouver une alternative au hollandais ASML, précédemment cité.
Pour rattraper ce retard, selon un processus bien établi, Pékin multiplie discrètement les acquisitions à l’étranger, y compris en France, en se dissimulant derrière des sociétés écrans.
Enjeu Stratégique
TAIWAN est, à plus d’un titre, devenu un enjeu stratégique pour la CHINE. L’île, revendiquée par l’Empire du Milieu, est sous la menace d’une invasion, en particulier avec le renforcement militaire chinois ces dernières années.
Mais, TAIWAN dispose désormais d’un bouclier, en l’occurrence la fonderie TSMC, un « bouclier de Silicium ».
Certes, en récupérant l’île, la CHINE résoudrait son problème d’approvisionnement en puces électroniques mais attaquer l’île pourrait mettre en péril cette ressource pour la CHINE comme pour le reste du monde.
Daniel DIGUET Cadre dirigeant PHILIPS Semiconductors (retraité)
Février 2022
Témoignage
En tant que responsable d’une unité de production de puces à PHILIPS Semiconducteurs à CAEN, j’ai eu le privilège d’être en contact direct avec mes homologues de la première FAB de TSMC à SHIN SU, au sud-ouest de TAIPEI.
Nous étions en 1993 et cette FAB1 n’en était qu’à ses débuts. Lors de l’une de nos visites, nous avons été impressionnés par le niveau d’innovation de cette structure.
Nous allons d’ailleurs nous en inspirer pour construire notre nouvelle unité en particulier en matière d’implantation des équipements de production mais surtout, en utilisant un système automatisé de transferts de plaquettes de Silicium, le SMIF.
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